Selon François Chevallier, stratégiste à la Banque Leonardo, la conjoncture actuelle ne justifie pas la hausse des actions aux Etats-Unis et en Europe.

«On connaît la chanson : des mauvais chiffres macroéconomiques sont des bonnes nouvelles pour les marchés,
parce qu’ils sont synonymes de plus grande facilité monétaire, soit
davantage de liquidités disponibles ou baisse du taux
d’actualisation. Ainsi, le CAC 40 a repris depuis une semaine 6,2% et le
S&P 500 5,3% sur des statistiques américaines évoquant un
ralentissement économique plus fort qu’attendu.
Les actions font fausse route. C’est une chose de se
réjouir d’un statu quo monétaire en l’absence de tensions
inflationnistes. C’en est une autre lorsque le ralentissement de
l’économie ou le manque de visibilité en sont la cause. Or, l’économie
américaine soulève beaucoup d’interrogations justifiant l’attentisme de
la Fed.
Ajoutons que la réaction de la BCE est aussi malsaine,
puisqu’elle semble envisager d’augmenter la taille de son QE pour
prévenir une remontée de l’euro. Si ça ne ressemble pas à une
surenchère de dévaluations compétitives au prix d’une inflation
galopante du prix des actifs. A quand la Chine et, pourquoi pas, à
nouveau la Fed ?
Si le ralentissement américain décale le calendrier de la Fed…
Après les indices ISM, manufacturier et services, et l’emploi
de septembre, les «futures» ont abandonné l’idée d’une remontée des
taux américains cette année et l’ont reporté à mars 2016. Les
chiffres attestent d’un ralentissement marqué de la croissance à 2%,
l’ISM composite cautionnant la médiocrité des créations d’emploi,
chiffres traditionnellement fragiles et sujets à d’amples révisions.
Manifestement les Etats-Unis sont affectés par la force du dollar, la
baisse du pétrole comme pays producteur et le ralentissement émergent.
À l’heure où les gains de pouvoir d’achat liés au pétrole vont s’estomper, l’incertitude prévaut sur les relais possibles, baisse
du taux d’épargne et hausses salariales, puisque toutes les relations
sont apparemment cassées. Certes, le contrechoc pétrolier peut expliquer
les ruptures observées dans l’effet richesse et la courbe de Phillips,
dispensant les ménages de recourir au crédit et les salariés de réclamer
des augmentations.
Mais il y a d’autres explications possibles, plus ennuyeuses pour la résistance de l’économie américaine :
la richesse immobilière est très en retard sur les actions et même sur
les prix dans l’ancien (indice Case/Shiller) ; les sous-employés font
ressortir le taux de chômage étroit plus près de 6% que de 5%. Dans ce
cas, la remontée des taux courts pourrait être différée, voire ajournée !
… il ne peut pas entraîner un rally actions : remontée des taux corporate ici, remontée de l’euro là-bas
La désolidarisation entre le taux des emprunts d’État qui
baisse et les taux corporate qui remontent observée depuis avril est
typique du comportement de l’obligataire face à des craintes de
récession. De fait, le spread corporate/Etat s’est élargi au prorata du recul de l’ISM.
C’est aussi ce qui différencie la nature du statu quo monétaire, entre
absence de tensions inflationnistes et craintes de récession, et la
réaction des actions. On ne peut imaginer aux Etats-Unis de rally
actions quand les obligations privées baissent. Connaissant maintenant
les contributions du dollar à la surperformance des actions européennes
et du différentiel de taux longs à la baisse de l’euro, on peut
s’interroger sur l’optimisme des places européennes.»